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La liste noire de l'Inquisition : les livres interdits et la censure des idées

L’Inquisition, également connue sous le nom de Sainte Inquisition, était une institution judiciaire et religieuse créée au XIIIe siècle en Europe, principalement en Espagne et au Portugal, dans le but de lutter contre l’hérésie et de maintenir l’orthodoxie catholique. Elle a été établie par les autorités ecclésiastiques et soutenue par les rois et les reines de l’époque. La mission principale de la Inquisition était d’enquêter sur les personnes soupçonnées de pratiquer des croyances non conformes à l’Église catholique romaine et de les juger en conséquence. Les personnes accusées d’hérésie étaient souvent soumises à des interrogatoires, à la torture et à des peines sévères, allant de la confiscation des biens à la peine de mort. L’inquisition a exercé une influence considérable sur la vie sociale, politique et religieuse de l’époque, provoquant la peur et la méfiance généralisées au sein de la société. Son pouvoir et son autorité ont duré plusieurs siècles, jusqu’à ce que les idées des Lumières et les changements politiques remettent en question son existence.

L’une des méthodes les plus notoires utilisées par l’Inquisition pour contrôler la diffusion des idées était l’Index librorum prohibitorum, ou Index des livres interdits. Cette liste, établie pour la première fois au XVIe siècle, recensait les ouvrages jugés hérétiques, immoraux ou dangereux pour la foi catholique. 

Parmi les livres les plus célèbres censurés par l’Inquisition à travers l’Index, on peut citer De revolutionibus orbium coelestium, de Nicolas Copernic, célèbre astronome polonais du XVIe siècle, qui proposait la théorie selon laquelle la Terre tourne autour du Soleil.

Cette idée, connue sous le nom d’héliocentrisme, a été en opposition directe avec le modèle géocentrique largement accepté à l’époque. Copernic a présenté cette théorie dans son ouvrage majeur, De revolutionibus… publié en 1543. Cependant, cette remise en question du statu quo a suscité des réactions négatives de la part de l’Église catholique, qui considérait le modèle géocentrique comme étant en accord avec les enseignements bibliques. En conséquence, l’Inquisition a commencé à enquêter sur les idées de Copernic et à les condamner comme étant hérétiques. Cette opposition de l’Église a marqué le début d’une longue période de conflit entre la science et la religion, connue sous le nom de «Guerre des sciences». Malgré l’opposition de l’Église, la théorie de Copernic a finalement été acceptée et a ouvert la voie à de nouvelles découvertes astronomiques qui ont révolutionné notre compréhension de l’univers. Aujourd’hui, Copernic est reconnu comme l’un des pionniers de la révolution scientifique et son héritage continue d’influencer notre compréhension du cosmos.

Le Leviathan de Thomas Hobbes a également été considéré comme hérétique par l’Inquisition. Tout d’abord, cet ouvrage philosophique remettait en question les fondements même de la religion et de la théologie traditionnelle. Hobbes y exposait une vision matérialiste de l’existence, rejetant l’idée d’une transcendance divine et affirmant que la seule réalité tangible était celle du monde matériel. Cette conception allait à l’encontre des dogmes religieux et des enseignements de l’Église, qui prônaient la primauté de la foi et de la spiritualité. De plus, le Leviathan remettait en question l’autorité de l’Église et du clergé, en soutenant que le pouvoir souverain devait être détenu par un État fort et centralisé, plutôt que par une autorité religieuse. Cette remise en cause de l’ordre établi et des hiérarchies religieuses était considérée comme une menace pour l’institution ecclésiastique et a donc été condamnée par l’inquisition. Enfin, l’œuvre de Hobbes était également critiquée pour son caractère immoral, en particulier en ce qui concerne sa vision de la nature humaine. Selon lui, l’homme était guidé par ses désirs égoïstes et son instinct de survie, ce qui allait à l’encontre de l’idée d’une nature humaine fondamentalement bonne et élevée, telle que défendue par l’Église. Ces différentes raisons ont conduit l’inquisition à juger le Leviathan comme hérétique et à le condamner.

Les Essais de Michel de Montaigne ont été considérés comme hérétiques par l’Inquisition pour diverses raisons. Tout d’abord, Montaigne remettait en question les dogmes religieux de son époque, ce qui était considéré comme une menace pour l’Église catholique. Il remettait en cause la notion de vérité absolue et soutenait que la vérité était relative et subjective. Cette idée remettait en question l’autorité de l’Église et ses enseignements. De plus, Montaigne exprimait des opinions contraires à celles de l’Église sur des sujets tels que la sexualité, la morale et la politique. Ses réflexions sur ces sujets étaient perçues comme subversives et dangereuses pour l’ordre établi. Enfin, Montaigne défendait la tolérance religieuse et critiquait les persécutions religieuses de son époque, ce qui allait à l’encontre des principes de l’inquisition. 

L’Inquisition a également considéré L’Encyclopédie de Denis Diderot comme hérétique pour plusieurs raisons, qui reflétaient les tensions et les conflits intellectuels de l’époque. Publiée entre 1751 et 1772, cette œuvre monumentale visait à rassembler et à diffuser les connaissances de l’époque, remettant en question les idées traditionnelles et remettant en cause l’autorité de l’Église et de l’État. L’inquisition, en tant qu’institution religieuse et politique, considérait cette entreprise comme une menace à l’ordre établi et à la doctrine catholique. En effet, L’Encyclopédie remettait en question les dogmes religieux, critiquait les privilèges de la noblesse et remettait en cause les structures sociales et politiques de l’époque. De plus, l’ouvrage était rédigé par un groupe d’auteurs, dont certains étaient des philosophes des Lumières, qui prônaient la liberté de pensée, la tolérance religieuse et la séparation de l’Église et de l’État. Ces idées, considérées subversives par l’inquisition, ont conduit à la censure et à la condamnation de L’Encyclopédie. L’inquisition a donc jugé cette œuvre comme hérétique, cherchant à protéger la doctrine catholique et à maintenir l’autorité de l’Église face aux idées nouvelles et aux changements sociaux qui se produisaient à l’époque des Lumières. Malgré cette condamnation, L’Encyclopédie a joué un rôle essentiel dans la diffusion des connaissances et dans la propagation des idées révolutionnaires qui ont finalement contribué à la transformation de la société et à l’émergence de la modernité. Aujourd’hui, cet ouvrage est considéré comme une œuvre majeure de la philosophie et de la littérature, témoignant de la lutte pour la liberté de pensée et la diffusion du savoir.

Les interdictions imposées par l’Inquisition ont eu un impact significatif sur la diffusion des idées à l’époque. Cependant, les livres censurés ont finalement trouvé leur place dans l’histoire de la littérature et de la philosophie, témoignant de la résistance des idées face à l’oppression. Aujourd’hui, ces ouvrages sont reconnus comme des œuvres majeures qui ont contribué à façonner notre compréhension du monde et à promouvoir la liberté de pensée. Ils rappellent également les dangers de la censure et l’importance de préserver le droit à la diversité des opinions.

L’équipe d’Anabasis Project.


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